L'homme invisible
Auteur: H.G. Wells
Titre Original: The Invisible Man
Traducteur: Laurent Achille
Editions: Le Livre de Poche
Genre: Science-fiction, Fantastique
Date de parution: 1983 (1897 date
originale)
Résumé: Mme Hall, l'aubergiste, a un drôle
de client. Quel secret cache-t-il derrière ces lunettes noires, sous ses bandes
serrées tout autour de la tête ? Que fabrique-t-il, enfermé avec tant de
bouteilles ? Et pourquoi ces colères dès qu'on le contrarie ?
Depuis qu'il est dans le pays, c'est
chaque jour un nouveau mystère : l'argent disparaît, les objets se déplacent
tout seuls... Cet homme est dangereux !
Une fois n’est pas coutume, me voilà
lancée dans une lecture commune avec le blog "Without Books I Can’t
Live", tenu par SevenRed. Pour notre LC, notre choix s’est porté sur un
classique de la littérature fantastique et de la Science-fiction : L’homme invisible
de H.G. Wells.
Parue en 1897, ce sont surtout les
différentes adaptations de cette œuvre qui ont ancré le personnage de l’homme
invisible dans la culture populaire, au détriment de l’histoire originale qui
aborde pourtant des thèmes importants, révélateurs de notre approche de
l’humanité et de la vie en collectivité.
L’intrigue, intéressante, est menée de
manière simple mais singulière dans sa narration. Le texte est divisé en trois
parties bien distinctes, assez irrégulières tant dans leur approche que dans
leur écriture. Wells entame son récit à la troisième personne du singulier,
s’éloignant d’ores et déjà de son personnage en usant d’une narration assez
décousue, qui se veut plus journalistique, voire scientifique dans sa
description claire et précise des événements. On suit donc l’arrivée de notre
homme invisible dans le petit village d’Iping, son installation et ses déboires
avec les habitants. Le rythme ici est assez lent, ponctué surtout par les coups
de colère de l’homme invisible, ce qui empêche une possible dynamique de
l’histoire. Il y a quelques pointes d’humour, peut être moins accessibles pour
nous lecteur du 21ème siècle mais qui démontrent du cynisme latent du
personnage principal. Son caractère particulier va finir par l’emporter, ainsi
que l’action qui se lance fébrilement et de manière encore un peu hésitante,
avec la fuite et la poursuite de l’homme invisible. Cette fuite l’amène à
rencontrer une ancienne connaissance à qui il va conter son aventure,
permettant de ce fait à Wells de nous dévoiler l’identité de l’homme invisible,
un savant du nom de Griffin, mais aussi de basculer dans un récit à la première
personne du singulier et de nous éclaircir sur ce qui lui ait arrivé avant son
arrivée à Iping. Cette partie est très vivante, accentuée par les ressentis de
Griffin. On en découvre un peu plus sur la personnalité de ce savant, mais on
aperçoit ici une critique de la mégapole londonienne, opposée à Iping par bien
des manières. On revient à une narration classique pour une dernière partie
très énergique, où l’action s’enchaîne sans répit pour finir en apothéose sur
une conclusion logique et intelligente qui conclut merveilleusement bien un
récit quelque peu inégal.
A travers L’Homme Invisible, Wells reprend
le thème du savant fou d’une manière qui n’est pas sans rappeler le Dr Jekyll et Mr Hyde et Frankenstein.
Griffin poursuit un rêve particulier qui, comme pour les deux autres savants,
va l’amener à la folie et à l’isolation totale. Pris dans son expérience, il
n’y voit que des effets bénéfiques et échoue à penser aux conséquences
négatives, lesquelles le rattrapent dès sa transformation. Mais en
accomplissant cette dernière, ce ne sont pas seulement des inconvénients qui
viennent ternir la vie du savant : en effet, Griffin finit simplement par
perdre son humanité, ce qui causera sa perte. En transgressant les lois de la
nature, le savant s’isole des autres. La différence causée de surcroit par un
phénomène surnaturel, amène les habitants d’Iping à avoir peur. Ce sentiment
est accentué par le côté monstrueux de Griffin, qui en perdant son humanité
s’octroie le droit de ne plus répondre aux restrictions sociales et donc de ne
plus agir sous le coup d’une quelconque moralité. Cela se traduit par ses
paroles terribles mais aussi par ses actes, qui passent du vol à l’agression
pour finir par un meurtre. La peur de l’étranger est bien amenée par Wells,
mais semble ici assez justifiée de par le côté détestable de son anti-héro.
En perdant son humanité, c’est également
son identité que perd Griffin. Cela se voit dès le départ, avec l’absence de
nom et sa qualification par les termes « homme » et « étranger ». Même quand
son nom est révélé, l’absence d’une réelle identité persiste dans le passage à
Londres, dû à l’anonymat que confère cette grande ville où l’individu est noyé
dans la masse. Il devient impossible pour Griffin de rester là, car son
existence devient menacée par l’absence d’une quelconque reconnaissance de sa
présence. Au contraire Iping lui permet d’être vu en tant qu’individu. Mais là
encore, un problème survient pour un homme dans sa condition : en effet, en
tant que petite ville, Iping est une réelle communauté qui ne laisse pas
souffler ses habitants ; tout est connu de tout le monde et alors que Griffin
cherche à être tranquille, cela lui est impossible. La solitude et cette perte
d’identité le poussent à se confier à sa connaissance, Kemp. Cette partie
démontre le fait que l’homme ne peut rester seul et qu’il a besoin d’un minimum
de reconnaissance. Mais le caractère bien trempé et trop impulsif de Griffin
finit une nouvelle fois par prendre le dessus. Le suspense amené au début du
roman par l’arrivée de l’homme invisible finit alors par atteindre son apogée
dans une course-poursuite épique et dangereuse.
Il est dommage que Wells se soit contenté
de décrire une histoire de manière simple, sans pousser plus loin les
caractères des personnages et notamment celui de Griffin. Le potentiel
fantastique et psychologique n’est pas assez exploité, nous laissant avec une œuvre
bonne mais qui n’est pas la meilleure de son auteur. On peut également
reprocher une écriture trop simpliste qui se contente de décrire. Mais dans
l’ensemble, L’Homme Invisible reste un
classique à découvrir, et ce pour les thèmes forts qu’il aborde.
Merci à SevenRed pour cette LC, et ce sera
avec plaisir pour en faire une autre!
Voici maintenant mes réponses à ses
questions:
- Avais-tu lu d'autres livres de l'auteur
? En liras-tu d'autres ?
Non, L'Homme Invisible est le premier que
je lis de Wells, et je vais en lire d'autres: j'ai dans ma PAL La Guerre des
Mondes et L'île du Docteur Moreau.
- As-tu trouvé une morale à tirer de cette
histoire ?
Un projet, scientifique ou non, demande
des sacrifices mais surtout de la réflexion: on ne doit pas agir dans la
précipitation et réfléchir correctement aux conséquences. Qui plus est, mieux
vaut être deux pour ne pas perdre la tête et devenir fou.
- Comprenais-tu le raisonnement de l'homme
invisible ?
Oui et non: en étant invisible, des
perspectives nouvelles s'offrent à nous, je comprends son excitation et sa soif
de pouvoir. Mais son envie de tout contrôler, de mettre à terre le monde entier
est bien trop extrémiste pour moi. Son caractère impulsif, égoïste et solitaire
lui font tenir des propos détestables qui sont loin d'être excusables.
- Aurais-tu voulu devenir invisible ?
Pourquoi ?
Intéressante question: j'aurais bien aimé,
mais à la seule condition de pouvoir redevenir visible quand bon me semble. Il
n'y a guère d'intérêts et seulement des inconvénients dans le cas de Griffin.
Hors, si on a le choix on peut s'échapper de notre quotidien, s'amuser à se
faire enfermer dans des bibliothèques, à faire peur aux gens, ou tout simplement
pour ne plus avoir le regard des autres sur soi. D'énormes perspectives
s'offrent à nous, sans pour autant devenir mauvais.
La chronique de SevenRed ici
Coucou !
RépondreSupprimerJe trouve ton analyse très juste et pertinente. Tu m'as fait voir les choses d'une autre manière et complété les thèmes forts, les messages que je sentais sans les saisir.
Malgré tout, je ne change pas d'avis, je n'ai pas énormément aimé ce livre, mais je suis contente de voir que tu ne l'as pas adoré non plus.
Par contre, espace tes paragraphes parce que là ça fait pâté !
Bises !