Le meurtre de la falaise

Auteur: Elizabeth George

Titre original: Deception of his Mind

Traducteur: Philippe Loubat-Delranc

Editions: Pocket

Genre: Policier

Date de parution: 1997

Résumé: Le cadavre d'un jeune pakistanais homosexuel est découvert dans une paisible petite station thermale anglaise. Le sergent Barbara Havers, de Scotland Yard, y est justement en convalescence : elle se remet des blessures récoltées au cours de sa précédente enquête. Cette fois, elle ne peut compter sur son célèbre acolyte Thomas Lynley, en voyage de noces. Mais elle est sur place et veut savoir. Malgré l'obstruction d'Emy Barlow, une de ses anciennes collègues de l'école de police, elle parvient à s'imposer dans l'enquête et plonge au coeur de la communauté immigrée. Ce n'est pas forcément une bonne idée...



Après trois lectures plus « classiques », me voilà de retour à mon genre de prédilection, le policier. Encore une fois, je ressors un livre lu il y a pas mal de temps, mais force est de constater que l’histoire m’était complètement sortie de la tête. Et pourtant, ce n’est pas une banale histoire de meurtre et d’enquête que nous propose Elisabeth George. Bien au contraire, le crime semble être un prétexte pour toucher à un sujet délicat et qui malgré les 15 années écoulées depuis la sortie du roman est toujours d’actualité, malheureusement. A travers une critique plutôt acerbe de la société anglaise, l’auteure nous dévoile les bas fonds du racisme et ses conséquences sur une petite ville balnéaire de l’île britannique.

On suit l’intrépide agent Barbara Havers, qui suite à un bon tabassage en règle lors de sa dernière enquête, se voir octroyer des vacances forcées. Ennui mortel à l’horizon qui pourrait disparaître avec la visite de sa voisine, Haddiyyah, petite pakistanaise de 8 ans. Mais une affaire urgente contraint la petite à accompagner son père dans l’Essex, pour une histoire de famille. Une coïncidence fortuite apprend à Barbara que le corps d’un pakistanais vient d’être découvert à Balford-le-Nez, dans l’Essex. Ni une ni deux, voulant aider ses voisins qu’elle apprécie beaucoup, notre agent de Scotland Yard fonce vers la station balnéaire de son enfance. C’est ainsi que va commencer une enquête des plus difficiles, où la prudence sur les paroles prononcées sera d’une importance capitale.

Arrivée sur place, Havers va se voir confier le rôle de médiateur entre la police et la communauté pakistanaise à chaud, prête à descendre dans la rue et à tout casser si l’enquête n’avance pas et si l’on ne la tient pas au courant. Tension extrême entre cette communauté étrangère et celle locale, anglaise. Le racisme est plus que présent tout au long de ce récit. On découvre par ailleurs les coutumes musulmanes de ce peuple, en décalage avec la vie moderne anglaise. La force de George est de dépeindre ce qu’elle apprit de ses recherches sans prendre parti pour autant. Ses personnages apparaissent plus vrai que nature, tant par leurs choix que par leurs actes.

Ce qui en résulte, ce sont des personnages intéressants, mais bien souvent énervants. L’exemple le plus typique reste le futur beau-frère de la victime. Né en Angleterre, il ne se considère absolument pas anglais et revendique ses origines tout le temps. Doté d’un caractère acariâtre, qui ne souffre pas d’être désobéi, on a un être détestable sous toutes ses formes. Il n’hésite jamais à hurler au racisme pour n’importe quelle situation, semblant croire que ce sentiment horrible n’existe que chez les anglais. Hors il nous démontre qu’il peut être lui-même bien plus raciste que certains british. J’ai particulièrement détesté sa façon d’agir envers la police, mettant à profit le racisme pour tenter d’avoir toutes les informations possibles, les menaçant de faire descendre la communauté pakistanaise dans la rue. Ce comportement démontre un non-respect et un déni pour l’autorité ainsi que ce côté supérieur que possède le personnage. On profite que la victime soit étrangère pour exiger la priorité de l’enquête. Si la victime avait été anglaise, aucune pression pareille n’aurait été faite.

Loin de dénigrer le problème du racisme, je trouve qu’il est souvent mis à profit par les gens quand ça les intéresse. Hors, Muhannad Malik, le beau-frère n’est pas en reste de ce côté-là. Aussi raciste que certains anglais, il n’hésite pas à utiliser son association comme couverture pour tabasser des anglais. Pourtant, même si on ne cautionne pas son comportement, on comprend pourquoi et comment il est devenu ainsi. George nous le montre lors d’une scène rapide, avec un camionneur qui lance une bouteille rempli d’urine sur des enfants pakistanais tout en les insultant. Au final, Muhannad n’est que le produit du comportement des anglais.

Un autre personnage intéressant, mais dont les actes resteront difficiles à comprendre pour nous européennes, c’est Sahla Malik, la sœur de Muhannad et fiancée du mort. Elle a grandit comme son frère dans les injures et les mises à part des autres enfants à l’exception d’une fille, Rachel, qui devient sa meilleure amie. Mais Sahla est pakistanaise et musulmane, et se plie à sa religion et aux coutumes d’une volonté qui laisse Rachel pantoise. Ainsi, elle est soumise à son père et son frère mais également à sa belle-sœur, horripilante au possible. Elle tombe amoureuse d’un anglais mais la coutume veut que ses parents lui choisissent un mari : concept de mariage arrangé inconcevable chez nous, où les femmes sont libres de faire ce qu’elles veulent, de travailler et où elles sont égales à l’homme. Pourtant, Sahla est dépeinte comme une fille forte, avec du caractère, mais pour qui le devoir envers sa famille, l’honneur, passe avant tout.

Ce sont ces concepts totalement inconnus pour nous qui font naître le racisme. Cette incompréhension face à une coutume différente rend la cohabitation difficile et donne naissance à des tensions. Mais la possibilité de vivre ensemble en harmonie n’est pas absente de ce livre, au contraire, on espoir subsiste.

Entre racisme et autres pistes possibles, l’enquête semble s’éterniser alors qu’elle est bouclée en trois jours. Entre vol, jalousie, meurtre homophobe ou pour se protéger d’un trafic d’humain, les mobiles se multiplient. Le dénouement reste une grande surprise, mais des questions subsistent à la fin du roman, gâchant quelque peu cette lecture assidue. Malgré tout, l’écriture reste claire et agréable. Les descriptions ne se perdent pas en longueur de phrases, on suit facilement l’intrigue. 


Ce policier reste néanmoins un excellent livre, touchant un sujet sensible mais lui donnant toute sa réelle ampleur. Il est malheureusement regrettable que 15 ans après, aucune avancée ne semble avoir été faite, bien au contraire au vu de l’actualité. Mais le personnage de Havers et l’innocence de la petite Haddiyah nous prouve que tout espoir n’est pas perdu.

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